ALCOOLIQUE

Amnésique de trop d’alcool, Jonathan A. se réveille sur la banquette avant d’une voiture avec une veille dame de petite taille s’affairant au niveau de sa braguette. Ainsi débute l’histoire, coincée entre cocasserie et désespoir. Dès ces premières cases le ton, cynique, des pages qui vont suivre est donné et propulse d’emblée le lecteur au coeur de la spirale épuisante (et consciente) de grandeur et de décadence, de vie et de pulsion de mort que s’inflige le personnage principal, avant d’en explorer les prémices dans un flash back de plusieurs années.

Par Anaïs, le 7 février 2016

Notre avis sur ALCOOLIQUE

Une dizaine d’années après leur fondation et la création il y a quelques mois à peine du label La Belle colère dédié aux héros adolescents -en association avec les éditions Anne Carrière-, les éditions Monsieur Toussaint Louverture ont publiés à la fin de l’année 2015 leur premier roman graphique, pour notre plus grand bonheur !

Comme pour les romans, explorant les marges de la littérature et puisant toujours dans les talents méconnus, Alcoolique présente une pépite narrative et graphique, fruit de la rencontre entre deux amis et auteurs américains, le scénariste Jonathan Ames et l’illustrateur Dean Haspiel.
Publié pour la première fois aux Etats-Unis en 2008 ce récit aux accents autobiographiques raconte les errances d’un alcoolique, Jonathan A., qui n’est pas sans rappeler le personnage de l’écrivain maudit aux penchants autodestructeurs, Frederick Excley, dans Le Dernier stade de la soif puis A l’épreuve de la Faim parus chez le même éditeur.

De l’alcool qui désinhibe le jeune ado en manque de confiance à l’addiction morbide qui détruit le talent, le corps et les relations, Jonathan A. revient avec une autodérision rentrée et une distance pudique mais sans concession, sur les traces de sa situation actuelle désastreuse à la manière d’un road movie personnel et historique. Les années lycée pas toujours faciles, les espoirs démesurés de réussite que les parents placent dans leur enfant, les premiers émois (homo)sexuels, les amitiés indélébiles, les lectures fondatrices (Las Vegas Parano, Fitzgerald), la naissance et la poursuite des rêves (d’écriture), les tragédies de la vie (décès accidentel des parents), les mauvaises (un dealer de coke) et les bonnes (un compagnon de cure) rencontres, le passage en désintox et les thérapies, l’amour fou et sa perte chaotique, les attentats du 11 septembre 2001, sont comme autant de (non) événements dessinant les contours d’une trajectoire de vie, de son combat permanent contre l’alcool, sans jamais verser dans l’écueil lassant de l’excuse ou de la plainte.

Jonathan Ames livre un portrait de vie dense, épais, rugueux, au couteau, aussi noir et tranché que le trait comics de Dean Haspiel dans un écrin de papier dont seul Monsieur Toussaint Louverture a le secret : couverture cartonnée toilée lie de vin, silhouette gaufrée, sérigraphiée, impression soignée sur du papier Munken Print White à la main généreuse… Un ouvrage qui, malgré le poids de la qualité de sa façon et de l’histoire qu’il raconte, n’a aucune chance de voir ces 144 pages vous tomber des mains !

Par Anaïs, le 7 février 2016

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