ALACK SINNER
L'âge de l'innocence

(Regroupe les albums: "Mémoires d’un privé", "Vietblues", "Souvenirs d’un privé" et "Rencontres")
Alack Sinner est un ancien flic new-yorkais un peu trop intègre qui a finit par démissionner et monter sa propre agence de détective. Néanmoins, il mène ses affaires avec nonchalance, bien obligé de cohabiter parfois avec ses anciens collègues ! Solitaire, lucide et sarcastique, il évolue dans une société véreuse, des avocats marrons et des clients souvent assez particuliers, allant même jusqu’à rencontrer deux auteurs de BD qui ont créé un détective qui se nomme lui aussi Aleck Sinner et qui lui ressemble comme deux gouttes d’eau !!!

Par fredgri, le 1 janvier 2018

Publicité

Notre avis sur ALACK SINNER #Int.1 – L’âge de l’innocence

Dans le paysage de la bande dessinée, le duo Munoz & Sampayo fait figure d’exemple, chacune de leurs œuvres est célébrée, ils ont marqué de nombreux lecteurs et auteurs et la série Alack Sinner reste une de leur plus grandes réussites (avec la série "Le bar à Joe")

On commence comme dans un polar noir classique, un détective, une voix off et des affaires qui partent en live rapidement. On sent une cohabitation difficile avec les flics du coin, tandis que Sinner mène ses enquête tranquillement.
Mais en substance, c’est aussi un regard sans concession que les deux auteurs nous proposent. Une vision de l’Amérique corrompue, désillusionnée, avec une bourgeoisie qui se perd dans ses fortunes, qui se joue des autres, l’illusion, la manipulation, et au milieu de tout ça, un détective qui tente de simplement résoudre ses enquêtes sans trop perdre de plume !

L’écriture de Sampayo est à la fois sèche et intimiste. Le héros disserte sur cette société qu’il n’aime pas, sur cette police pour qui il n’a aucun respect et ces clients qui le laissent froid. Toutefois, il ne reste pas insensible au charme de certaines clientes qu’il croise et qu’il revoit à l’occasion, comme la mystérieuse Sophie qui se dévoile nue en venant le voir pour la première fois, ou encore Loretta et Enfer, deux magnifiques femmes qui vont avoir le privilège de revenir ponctuer les différentes histoires de ce premier volume !

Sampayo livre ainsi un hommage au vieux polar sauce Hammett ou Chandler, mais en version modernisée, plus urbaine, on se rapproche ainsi des ambiances de ces séries télé comme Serpico, à la fois sombres, qui parlent de la rue, de ces populations interlopes.
Mais Sinner gagne progressivement, aussi, en complexité. Ce privé s’affine, sort petit à petit de son rôle d’ancien flic, et devient de plus en plus fascinant dans ce regard mélancolique qu’il porte autour de lui. Plus on avance, moins on fait finalement attention aux affaires qui se présentent. ce qui nous emporte ce sont avant tout ces moments ou Sinner glisse entre les cases, fait des rencontres, va boire un coup au bar de Joe…

Mais au delà de tout ça, ce qui est réellement le plus marquant c’est l’évolution graphique de José Munoz.
Les premières pages sont encore assez réalistes, se rapprochant de cette école de Buenos Aires, avec un regard vers des styles comme celui de Pratt. C’est absolument magnifique, très contrasté et une science des cadrages d’une très grande virtuosité. Je me suis vu m’arrêter très régulièrement sur telle ou telle page, admirer un éclairage très audacieux ou un sublime encrage qui s’épure !

Parce que voilà, José Munoz (grand prix d’Angoulême en 2007, quand même !) nous fait ici une démonstration absolument saisissante. Plus on avance, plus son trait s’épure, les visages se font plus "grotesques", les masses de noirs plus subjectives, on sent arriver une sorte d’abstraction édifiante qui transforme littéralement chaque planche. Il suffit de regarder le visage de Sinner au début et à la fin pour appréhender parfaitement cette très impressionnante évolution !

Ainsi, à mes yeux, ce premier volume de l’Intégrale Alack Sinner est bien plus la découverte d’un artiste hors du commun et d’un univers complètement atypique que le simple plaisir de me perdre dans du bon polar !

J’en reste encore tout chamboulé !

Un vrai must !

Par FredGri, le 1 janvier 2018

Publicité