Une affaire de caractères

Ramon Hache débarque à Bibelosse, une cité d’écrivains, afin de livrer des lettres pour une enseigne. Dès qu’il met les pieds dans ce village il s’aperçoit qu’un tueur en série commence à sévir, mettant en scène ses méfaits de façon très étrange ! Mais il n’en est pas au bout de ses surprises, ici tout le monde, ou presque, parle en respectant une certaine contrainte linguistique. Qu’il s’agisse de ces cinq personnes qui ne parlent qu’en monovocalisme, ou encore ce monsieur Tézorus qui ne s’exprime qu’à travers de définition…
La police intervient pour enquêter, mais quand la matière même de l’histoire s’avère être le langage lui même l’affaire s’avère vite plus complexe qu’elle n’y paraissait !

Par fredgri, le 26 mars 2014

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Notre avis sur Une affaire de caractères

François Ayroles est un membres fondateur de l’Oubapo, cet ouvroir de Bd expérimentale qui manipule la matière même du médium qui joue avec les contraintes, qui explore la potentialité des différents langages qui s’y croisent. Et ici, on retrouve ce plaisir de jouer avec la forme en la mêlant au fond.
Ainsi, les personnages ne s’expriment qu’au travers de figure de linguistique assez pointues dont la plus classique reste encore les textes en rimes. Il y a un petit côté quelques peu démonstratif dans tout ça, néanmoins c’est aussi d’une très grande virtuosité formelle ! Car petit à petit on entre dans le récit, on découvre les multiples aspects qui se cachent derrière tout ces personnages et même si au final ces petits exercices de style ne viennent pas réellement nourrir l’intrigue, j’avoue que l’immersion dans ce village m’a profondément passionné… Un vrai plaisir de lecture !

Par contre, en effet, les jeux sont tellement intrigants qu’on a progressivement du mal à s’attacher à ces meurtres et au meurtrier lui même. On est dans une succession de petites performances stylistiques et on a le sentiment, au fur et à mesure qu’on avance, qu’Ayroles prend bien plus de plaisir à animer ces dialogues, à amener les rencontres, à nourrir ces multiples traits d’esprits qui sont un vrai bonheur pour tout ceux qui aiment les travaux de l’Oulipo, qu’à vraiment construire une intrigue plus complexe !

Alors bien sur ce qui est mis ici en avant c’est l’incroyable diversité du langage, cette potentialité qui se cache derrière ces contraintes. Et Ayroles nous offre avec cet album un bel exemple de récit qui peut coexister avec une recherche esthétique particulièrement érudite. Malgré tout, l’histoire est vraiment intéressante, pleine de belles pépites, d’idées qui mériteraient d’être poussées encore plus loin. On avait l’habitude de voir ce genre d’exercice dans des romans (on pense à "Exercice de style" de Queneau, à "La Disparition" de Perec etc.) et je trouve que cette immersion dans la BD démontre combien l’Oubapo nous manque, qu’ils ne se font pas assez remarquer de manière générale !

Un album à part que je vous conseille vivement de découvrir et de faire découvrir autour de vous !

La SNCF remettra fin mai 2015 son Prix Polar Bande Dessinée. 5 BD sont en compétition pour ce grand prix public (tout le monde est invité à voter sur www.polar.sncf.com)

Les autres albums en lice sont sur Sceneario.com

Par FredGri, le 26 mars 2014

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