ADRASTÉE
tome 1/2

En Hyperborée, le jeune prince est immortel. Progressivement, au fur et à mesure que sa magnifique cité légendaire grandit, le peuple vit et meurt… Cela fait 1000 ans qu’il les observe, qu’il réfléchit à sa condition d’immortel et finalement il se retrouve seul à errer dans les rues, parmi les vestiges de cette glorieuse ville ! Un jour, il décide de s’aventurer au delà, d’aller rejoindre l’Olympe.
Il commence alors par rencontrer la Sphinge, une femme au corps de lion qui lui pose une énigme afin qu’il puisse traverser le monde des hommes… Il finit par arriver ensuite à Abdère, en Thrace, ou il découvre que sa légende l’a précédé, que les hommes sont fascinés par ses pouvoirs, que cette fascination tourne à l’obsession…

Par fredgri, le 28 mai 2013

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2 avis sur ADRASTÉE #1 – tome 1/2

Découvert avec "La belle mort" en 2011 Mathieu Bablet revient avec ce sublime album qui débute un diptyque qui risque de marquer les mémoires.

Car, si déjà ce jeune auteur avait su nous impressionner auparavant par la minutie de son travail et le soin porté aux décors et diverses architectures, ici il nous entraîne dans un univers mythologique complètement atypique et fascinant en situant le début de son récit dans la mythique Hyperborée qui n’est qu’à peine évoquée dans les textes mythologiques. Dès les premières pages on retrouve cet incroyable précision qui est dorénavant sa marque de fabrique (alors que son trait s’est encore plus affiné que dans son premier album, c’est dire !). Car entrer dans cet album c’est d’abord prendre un vrai plaisir à se perdre dans ces cases magnifiques qui sont un vrai enchantement. D’autant que les ambiances colorées qui alternent les verts pâles, les rouges orangés, les bleues, les ocres, sont simplement exceptionnelles. Bon, par contre on sent bien que l’artiste prend bien plus de plaisir à dessiner les décors et à peindre ses planches qu’à dessiner les personnages. Néanmoins, je leur trouve un charme très stylisé, assez bien adapté aux ambiances du récit, c’est très beau !

Alors bien sur, le récit est lent, limite contemplatif, le héros est un immortel habitué à se perdre dans ses pensées, à tenter de ne pas oublier ses souvenirs, les gens qu’il a croisé, qu’il a aimé. Ce voyage qu’il entreprend c’est avant tout un voyage de "l’illimité", repousser sa vision du monde, retrouver cette trace de vie qui l’a abandonné depuis longtemps et tenter d’atteindre les dieux pour davantage se comprendre. De plus, le monde extérieur est un monde fascinant, plein de créatures aussi extraordinaires que des Cyclopes, des Sphinx, des Harpies ou des Satyres… Et même si le "héros" parcourt tout ça davantage en spectateur sur une bonne partie de l’album, il retrouve dans cette confrontation une certaine quiétude, mais aussi il gagne un but à atteindre. Il faudra la confrontation finale avec le Cyclope pour qu’en plus cette quête gagne en vitalité !

Cette lecture peut malgré tout déstabiliser par son extrême lenteur et par le fait que les 3/4 de "l’action" se situent dans des ruines, dans des paysages désolés, à l’écart. L’homme ne s’implique pas des masses dans la vie sociale de la cité pleine de monde ou il arrive, il est bel et bien, comme je le dis plus haut, un spectateur qui traverse la ville sans freiner son périple. Mathieu Bablet instaure un cadre mythologique pour renforcer ce cadre presque irréel, comme si nous avions à faire à un conte qui se déroule tranquillement. On croise de loin Héraclès entre autres personnages célèbres, sans pour autant s’y arrêter. Ça n’est encore une fois qu’un cadre, pas le fond de l’intrigue. Néanmoins ce refus de l’implication ou tout du moins cette passivité amène le récit vers une certaine monotonie.
Le lecteur, même fasciné par le graphisme, parcourt toutefois cet album lui aussi en témoin, comme hypnotisé par cette grâce qui se dégage de cette histoire.
On rêve peut-être d’un peu plus de dynamisme parfois tout en se disant que finalement c’est aussi très bien comme ça.

La très belle couverture semble vouloir présenter une alternative antique à celle résolument moderne de "La belle mort", la construction est la même ! Et ce parallèle est intéressant, car il permet surtout de bien se rendre compte de l’évolution de l’artiste.
Cet album propose donc une Fantasy aux antipodes du genre, bien moins centrée sur l’action et le merveilleux à tout prix que sur la recherche existentielle du héros.

Une découverte très vivement conseillée pour tout amateur de BD décalées et fascinantes !

Par FredGri, le 28 mai 2013

Et puis un jour il se lève, ramasse quelques effets et part pour le mont Olympe afin de questionner les Dieux sur sa nature et sa condamnation à vivre éternellement.
De cette errance, des rencontres qu’elle engendre, vont naitre le questionnement.
Le héros, roi sans nom, surnommé le vagabond millénaire, redécouvre le monde. Alors que sa mémoire s’est peu à peu pétrifiée au cours de son millénaire d’exil du monde, que son esprit s’est peu à peu dissous dans le temps, des bribes de souvenir lui reviennent et son cheminement vers la demeure des Dieux s’accompagne alors d’un terrible travail sur le passé. Se souvenir de sa pointure de sandale, du nom de son père, du visage de celle qu’il a tant aimée, autant de faits qui le raccrochent au monde et l’éloignent de la folie.
Entendant la rumeur, cette histoire d’un ancien roi d’Hyperborée, un type dont personne ne se souvient même plus du nom et qui possède la vie éternelle, pour les simples mortels qu’il croise c’est un défi, une injustice devant la mort.
L’immortalité qui lui pèse tant devient l’enjeu de violences, de guerres. Alors que lui seul en connait la souffrance, les autres y voient une bénédiction.

Adrastée est un album singulier qui nous entraine dans un voyage entre onirisme et mythologie.
Le texte de Mathieu Bablet est admirablement travaillé, ciselé comme un bijou. Les mots semblent prendre du volume, de la densité en s’emparant des idées, de la réflexion, de la philosophie pour relater en un récit contemporain un drame antique.
Il est une vision très étrange qui m’est venue à la lecture de cet album : celle d’un ballet. Curieuse sensation peut être, mais l’écriture et le dessin m’ont replongé dans l’univers de Maurice Béjard tant la plastique et la musicalité semblent faire partie intégrante du récit.
C’est un album multiple et extravagant, qui nous emmène sur des sentiers de réflexion ou le sérieux le dispute à l’absurde. L’immortalité, le pouvoir, la guerre, l’homme, la religion, autant de sujets traités avec une déconcertante limpidité tant ils paraissent naturels dans ce monde mythique où l’on croise La Sphinge, les Harpies, Marsyas le Satyre poète itinérant ou Polyphème le cyclope.
Si les dialogues sont féconds, le dessin est d’une richesse, d’une minutie et d’une précision stupéfiante. Le regard se perd dans l’opulence des décors symboles d’une société où la magnificence est preuve de puissance et de force.
Les couleurs et la technique adoptée par Mathieu Bablet qui apporte à l’ensemble des planches un effet aquarelle nimbe l’album d’une aura d’irréel. Le vert l’ocre et le bleu fusionnent en une somptueuse harmonie et c’est sans restriction qu’on accompagne ce Roi millénaire et bien seul dans sa quête de réponses.
On pourra s’étonner du titre, Adrastée, nymphe chargée de protéger a sa naissance Zeus contre Chronos, car à nul moment elle n’apparait dans cet album, mais le second tome prévu pour mi janvier lèvera certainement le voile sur ce titre insolite ou annonciateur.

Par Olivier, le 30 mai 2013

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