À L'OMBRE DU CONVOI
Le poids du passé

Dans la nuit du 12 au 13 novembre 1943, une locomotive tirant des wagons à bestiaux roule après avoir quitté Bruxelles en direction du camp de concentration d’Auschwitz. Dans chaque fourgon, non pas des bêtes mais des hommes, des milliers, ont été entassés sauvagement. Olya Van Horn, jeune juive, fait partie du sinistre voyage accompagné de son fils Mathias, un voyage à sens unique qui lui fait sentir le poids de ses désillusions sur le genre humain qu’elle a accumulées depuis 10 ans. Tout a commencé en 1933, alors que son père et sa mère possédaient une librairie à Hambourg et qu’ils étaient la cible de brimades violentes perpétrées par les représentants du régime totalitaire en place. Des brimades qui préfiguraient une escalade de violence éradicatrice qui allait déboucher sur la Shoah, un génocide que trois personnes vont devoir vivre ensemble sous des aspects différents…

 

Par phibes, le 18 février 2012

Notre avis sur À L’OMBRE DU CONVOI #1 – Le poids du passé

Premier opus d’un diptyque annoncé, Le poids du passé permet de réunir deux artistes du 9ème art qui se connaissent bien pour avoir travaillé ensemble précédemment sur un polar intitulé Chicago Sanglante. Quittant les ambiances de la prohibition, ce nouvel ouvrage se focalise sur un fait historique des plus marquants, la persécution du peuple Juif durant la seconde guerre mondiale et l’holocauste qui en a découlé. Fort de ce cadrage authentiquement fort, Kid Toussaint et José Maria Beroy nous installent dans un épisode où trois personnages d’horizons différents sont appelés à se rencontrer lors d’un transport ferroviaire.

Cet épisode, s’il se réfère à une terrible expérience vécue par Simon Gronawski (il en a écrit un livre titré Simon l’enfant du 20ème convoi et a également préfacé le présent ouvrage) et beaucoup d’autres de ses pairs, n’en demeure pas moins une fiction qui se veut très poignante. S’attachant à dresser le parcours bien douloureux d’Olya, jeune juive allemande, et de Wilhem, futur membre de la Schutzpolizei, le récit a l’avantage d’associer dynamiquement et habilement présent et passé, attachés à bon nombre de personnages liés directement à ces derniers ou à leurs parents. Cet enchevêtrement de liens et de souvenirs est excellemment maîtrisé et permet de mieux saisir la destinée malheureusement peu ragoûtante de ceux qui sont mis en avant.

Evidemment, un tel ouvrage ne peut qu’éveiller de grosses émotions. Les chemins empruntés par Olya et Wilhem (pour cet opus) sont des plus convaincants de par l’horreur ambiante puisqu’ils se raccrochent à un gros fond de vérité qu’on ne peut ne pas connaître. D’ailleurs, le récit fait judicieusement état de moments tristement clé tel l’assassinat de Vom Rath, la nuit de cristal, la déportation, sans parler de l’attaque du transport ferroviaire des 19 et 20 avril 1943 par des résistants belges à laquelle se rattachent les péripéties.

Cette première évocation passe le graphisme sublime de l’auteur espagnol José Maria Beroy que l’on a pu admirer antérieurement dans la Saga vorkosigan chez Soleil. Ce dernier réalise un dessin d’un détail et d’une clarté absolus, servi par un jeu de lumière extraordinairement beau. Le réalisme de ses personnages qui témoigne d’un geste assuré, donne un sens on ne peut plus flagrant aux péripéties contées. Son message est clair, sans appel, crû, violent, déshumanisant, suggestif de par la folie éradicatrice qui baigne dans toutes ses planches.

Un superbe ouvrage qui rejoint certes bon nombre de témoignages déjà réalisés sur ce sujet douloureux mais qui trouve sans ambiguïté sa place dans le paysage culturel. Vivement le prochain tome qui devrait permettre d’assister effectivement à la croisée des chemins des trois protagonistes.

 

Par Phibes, le 18 février 2012

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