46XY

Ils en étaient à une période de grands changements dans leur vie : ce déménagement de Créteil vers Cherbourg, et surtout, surtout, ce bébé qu’ils attendaient. Or, voilà que lors d’une échographie, un problème est décelé par le docteur qui va froidement annoncer à Charlotte et à Raphaël que le fœtus est atteint d’une spectaculaire malformation. Une fin du monde en soi…
 

Par sylvestre, le 1 janvier 2001

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Notre avis sur 46XY

« C’est un garçon, caryotype 46XY. D’un point de vue génétique, tout est en ordre. Mais… » Il y a des points de suspension qui font l’effet d’une rafale de balles arrivant en plein cœur. Et c’est une salve de ce genre qu’ont reçue Raphaël, l’auteur, et Charlotte sa compagne lorsqu’ils s’étaient rendus à une banale échographie de contrôle.

Quand on repart chez soi après que le ciel vous soit tombé sur la tête, on n’a plus la même perception des choses. On plane, mais ce n’est pas dans le bonheur insouciant. Surtout quand c’est d’un seul coup un projet de vie qui vient tout remettre en question. C’est horrible…

46XY est un livre à contre-courant de ces bandes dessinées rose-bonbon qui listent avec malice toutes ces petites anecdotes que vivent les femmes enceintes ou les jeunes parents. Et c’est une riposte à cette agression qu’a été pour eux la manière avec laquelle il leur a été dit que leur bébé, la chair de leur chair, allait être un enfant pour lequel il leur faudra se battre toute leur vie contre des moulins à vent.

La narration et l’expression graphique sont volontairement chaotiques. Ca commence tout au début par des dessins apaisants, par des images de vie heureuse. Puis ça passe à un format de planches plus classique, avec ces reproductions d’écrans d’échographie ou les planches du flashback, lorsque Raphaël Terrier reprend l’histoire "depuis le début", comme pour essayer de comprendre à partir d’où tout a commencé. Ensuite, la machine narrative s’enraye, s’emballe, s’affolle : on passe à des pavés de texte typographié aussi rebutants que des rapports d’hôpitaux en face desquels des illustrations en couleur, cette fois, nous sont jetées à la figure, fortes et extrêmement choquantes ! Avant de repartir dans une composition de planche plus classique et utilisant la photo…

Après (A)mère où Raphaël Terrier abordait déjà un sujet sensible, 46XY est comme un travail contre la souffrance ou la culpabilité qu’ont pu ressentir l’auteur et sa compagne, comme un moyen également de prendre les gens à témoin par rapport à l’épreuve vécue qui, si elle n’était racontée qu’oralement, aurait un impact bien moindre. C’est enfin un témoignage dur duquel émergent les questions sur l’I.V.G. et sur le chemin de croix qu’il faut suivre pour choisir d’y avoir recours.

46XY n’est évidemment pas un ouvrage à offrir n’importe comment et à n’importe qui. C’est une œuvre très personnelle. Trop personnelle, diront certains. C’est un livre « à vif » avec toute la force artistique que ce terme sous-entend.
 
 
 

Par Sylvestre, le 2 septembre 2008

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