Un récit pour témoigner de l'indignité d'un système

 
Milan est un bandit et il espérait bien, ce matin-là encore, revenir chez lui le soir un peu plus riche. Mais à jouer au chat et à la souris avec la police, il arrive qu’on se fasse attraper… Et ainsi Milan n’a pas rejoint sa belle, ce soir-là, et, menottes aux poignets, il est parti derrière les barreaux…

Loin d’être comme jadis le contrebandier pour lequel le gendarme émérite montre quelque respect, le prisonnier Milan s’est plutôt retrouvé sous-homme à la merci des lois de la prison et de ses matons. Très vite, il a donc voulu fédérer ses co-détenus pour faire entendre leur droit à la dignité. Mais ses entreprises ont souvent tourné au pugilat : étiqueté fouteur de merde, Milan allait connaître une incarcération nomade, brinquebalé de prison en prison, aucune ne se révélant être un établissement moins pire qu’un autre…
 

Par sylvestre, le 20 mai 2012

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Notre avis sur Un récit pour témoigner de l’indignité d’un système

 
Sous les crayons de Nicoby, Milan a pris corps. Inspiré au scénariste Sylvain Ricard par Milko, un ancien prisonnier, il se fait le porte-parole de papier de tous ces détenus de France considérant que leurs conditions de détention sont "limite droits de l’Homme". Le héros de la bande dessinée, grande gueule et tête sur les épaules, s’impose tout de suite comme un leader. Les actions qu’il mène ne portent pas toujours leurs fruits mais font de lui pour les autorités pénitentiaires à la fois le pensionnaire dont ils se passeraient bien et un interlocuteur sensé, intelligent. Sans doute parce qu’il n’a pas tort sur toute la ligne dans sa manière de voir les choses…

Le fait que Milan soit une forte tête va le conduire, dans le scénario de 20 ans ferme, à être déménagé de prison en prison. Il est le nuisible qu’on chasse un peu plus loin. Ses pérégrinations encadrées vont ainsi dresser un portrait décourageant des prisons françaises, généralisées, toutes étant montrées comme des endroits où le prisonnier n’a qu’à fermer sa gueule et purger calmement sa peine, quitte à le lui rappeler en le brisant.

Les pressions et les humiliations subies par Milan donnent effectivement à réfléchir. Ce n’est pas parce que les surveillants ont un bel uniforme propre et repassé qu’ils sont tous des anges n’ayant que leurs missions de service public et de maintien de la sécurité en tête. Certains en effet sont dépeints comme des casseurs de gueules qu’un détail ou un autre peut mener à vouloir maltraiter un détenu.

A leur décharge, les prisonniers ne sont pas tous d’inoffensifs agneaux. Or, et malgré l’ambition de cette BD, cette remarque plane sur la lecture de 20 ans ferme dont on comprend le message mais qui, en parallèle, ne parvient pas à nous ôter de l’idée que si Milan avait mis ses talents d’organisateur et de meneur d’hommes au service d’une société qu’il aurait créée ou dans laquelle il se serait investi, peut-être qu’il aurait gagné de l’argent sans avoir à craindre la prison… Je sais, c’est facile de donner des leçons lorsqu’on est du bon côté des barreaux. Mais voilà, quoi… 20 ans ferme a le mérite de nous faire réfléchir à tout cela et, édité par Futuropolis en collaboration avec l’association Ban Public dont le but est de mettre en lumière les disfonctionnements de la détention pénitentiaire, nous propose après les nombreuses planches du récit plusieurs pages explicatives sur le thème.

On pensera ce qu’on voudra de ceci ou de cela suivant qu’on ait tel ou tel regard sur les choses. La BD 20 ans ferme aura en tout cas joué son rôle en portant à notre connaissance des points de vues et des témoignages en les prêtant au fictif Milan. La conclusion restant sans doute que quoi qu’il en soit, des deux côtés, il y a des torts et des raisons. Et qu’il vaut mieux lire cette BD libre… qu’incarcéré !

 

Par Sylvestre, le 20 mai 2012

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