16 Februarie, Romania : [CARNET D'OBSERVATION] d'une usine roumaine

Dans le cadre d’Erasmus, Vincent Croguennec est parti en 2007 à Cluj-Napoca, en Roumanie. Il ne savait rien de sa destination, au départ, n’avait pas trop voulu se renseigner sur quoi que ce soit pour ne pas s’encombrer d’a-priori ou se spoiler sur ce qu’il aurait à y voir et à y faire… Ce fut donc un « plongeon dans le grand bain » et ce choix d’aller vers l’inconnu a forcément joué sur ses impressions et sur son rapport à la ville et au pays.

Côté études, l’organisation de la structure qui devait l’accueillir là-bas a montré quelques lacunes. Plutôt que d’aller traîner ses guêtres sur les bancs du département sculpture ou du département des arts graphiques, Vincent est donc allé apprendre ses premiers rudiments de roumain. Pas bête… Ce qui l’a poussé plus facilement à des errances qui l’ont mené vers l’Autre, et notamment vers une énorme usine surannée dont l’univers l’a envoûté au point qu’il est revenu plusieurs fois en Roumanie pour y mener à bien un projet de carnet d’observation : cet ouvrage dont il est ici question.

Par sylvestre, le 6 juin 2017

Notre avis sur 16 Februarie, Romania : [CARNET D’OBSERVATION] d’une usine roumaine

Carré comme une photo Polaroïd, ce carnet de voyage résume en textes, en dessins et avec quelques photos les 18 mois que Vincent Croguennec a passés dans l’usine « Remarul 16 Februarie » à Cluj : une usine où sont réparés des trains. Dans un univers complètement différent du sien, l’auteur s’est retrouvé comme dans le grand bain sans y avoir pied, à devoir s’accrocher à quelque chose. Ou s’est retrouvé comme un gamin fasciné par d’énormes engins de chantier, à ceci près que les monstres d’aciers et de bruit qu’il a côtoyés étaient les outils sédentaires offrant toujours, malgré leur âge, de bons et loyaux services dans des bâtiments industriels.

La Roumanie, c’est l’autre bout de l’Europe, la pauvreté, et on l’associe logiquement à l’ex-URSS et à ses satellites d’alors en la réduisant elle aussi à des zones industrielles à bout de souffle, voire à des civilisations perdues, cimetières de matières oubliées polluant les sols mais aussi l’image du pays…

Armé de ses méconnaissances et de sa liberté d’artiste vagabond, Vincent Croguennec a transformé ce qui pour d’autres aurait été de la répugnance en une sincère curiosité et en une véritable fascination qui ont été pour lui un passeport pour le quotidien d’ouvriers d’habitude ignorés. Rapidement accepté, le fouineur a pu gagner la sympathie des gens, a pu s’imprégner des lieux et des ambiances, a pu s’habituer aux rythmes et aux spécificités des différents ateliers ; et a pu jour après jour laisser courir ses crayons sur le papier.

C’est un privilège de pouvoir intégrer un monde auquel on n’aurait sinon jamais eu accès. Vincent Croguennec l’a mesuré dans les moments rendus difficiles par la fatigue ou par le froid comme dans les moments les plus magiques, ceux pendant lesquels il s’est senti « chez lui », entouré d’amis qu’un jour il allait avoir du mal à quitter ! Ses textes et ses dessins traduisent ces émotions. Son trait est gras et sale comme est dur le travail à « la 16 », son style graphique est lourd comme sont puissantes les machines qu’il a vu fonctionner et impressionnantes les pièces qu’il a vu fondre et être façonnées. Ses mots, quant à eux, sont ceux de l’étranger, du visiteur qui apprend sur le tas, de celui qui ose parler de poésie quand les principaux intéressés ne voient eux que la sueur laissée pour un salaire de misère.

Les voyages forment la jeunesse, ils précisent aussi parfois des buts dans la vie. Vincent Croguennec semble avoir gagné en confiance et en ouverture au fil de ses différents séjours en Roumanie ; choses qu’il n’auraient pas développées autant s’il était resté à la maison. Ces moments forts qu’il a vécus lui ont donné matière à s’exprimer et le partage qu’il fait avec un certain talent de cette expérience ressemble à un merci au destin doublé d’une envie à peine cachée de repartir « pour un tour » !

Le privilège d’avoir touché un monde appelé à disparaître, ce pouvoir de transformer en beau ce qui à première vue pourrait sembler bruyant, infernal ou dégoûtant, la fierté enfin de nous le raconter… C’est tout cela que vous trouverez et que vous apprécierez dans 16 Februarie, Romania, un carnet d’observation donnant à voir un présent appartenant déjà au passé.

Par Sylvestre, le 6 juin 2017

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